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Neuf morts par quelques nuits d'hiver : petite chronique sur un thriller signé Andrevon

Avec un dessin original de Jean-Pierre Andrevon

Ils sont huit à avoir été invités en plein hiver par leur ancien ami Richard Langlois, un industriel qui a réussi, dans un ancien hôtel isolé en haute montagne, au-dessus de Zermatt, dans les Alpes suisses.

 Il y a Georges, qui vivote de ses piges, Béryl, dont il fut amoureux, Jeff, guide de haute montagne exclu après une sale histoire, et quatre autres, tous plus ou moins dans la panade.

Ils se sont connus dix ans auparavant, encore étudiants. Le “club des neuf”, comme ils se nomment avec ironie, partage un secret qui peut rapporter gros et dont la clé est précisément Langlois.

Et voilà que dès la première nuit,  l’industriel meurt dans une bourrasque de neige, après une chute vertigineuse dans l’abîme du haut du seul pont reliant l’hôtel Matterhorn à la vallée. Est-ce un accident ? L’angoisse s’installe alors que, peu après, deux nouveaux cadavres viennent éclaircir les rangs des invités.

Y a-t-il, caché quelque part dans  les dépendance, le grenier, la cave du bâtiment, un meurtrier qui veut s’approprier la valise contenant plusieurs millions d’euros que Langlois a fait miroiter à ses compagnons juste avant de disparaître ?

Sur un pitch devenu célèbre depuis les Dix petit Nègres d’Agatha Christie ou Six hommes morts de Stanislas-André Steeman, références assumée de l’auteur, Jean-Pierre Andrevon a tricoté un suspens étouffant, avec pour cadre le huis-clos d’une gigantesque bâtisse aux recoins sans nombre isolée par une tempête de neige.

    Ce que j'en pense :

 

   Au-delà de l'intrigue dont je ne dénouerai pas les innombrables nœuds et parce que d'autres chroniques très fines ont précédé la mienne, je m'attacherai plutôt à ces neuf personnages qui sont ici dépeints sans complaisance par l'écriture inimitable de Jean-Pierre Andrevon. Pour moi, qui le connait un peu tel qu'il est aujourd'hui et parce que j'ai en peu de temps beaucoup lu de lui dans tous les genres, cette écriture, c'est lui. Il écrit comme il pense, sans chercher à faire du style. Le style lui vient naturellement de par sa longue expérience d'écrivain.

 

   Le regard aigu qu'il porte sur ses semblables l'amène, dans ce cadre idéal du huis-clos, à peindre des portraits à petites touches fines. Il voit les ressorts qui agitent ses marionnettes. Il est très loin de s'attacher aux apparences.

   La beauté d'une Béryl qu'on imagine proche de la Brigitte Bardot jeune, si elle aveugle Georges, n'empêche pas qu'on sente chez elle une grande part de mystère, un mystère un peu froid, empreint d'ennui, au-delà de la douleur, désabusé. Georges est celui à qui l'on s'attache d'emblée parce que tout est fait pour ça. On sait bien que tout le monde va mourir, mais pas lui, on ne veut pas qu'il meure, c'est un gentil, un peu faible sans doute, mais le plus sympathique de tous. Jeff le montagnard, je le vois très bien, tout ce que je déteste. Un sportif sur le déclin, macho au possible, grossier, sans la moindre finesse, avide et qui en plus se la joue au-dessus du lot. Richard l'industriel, celui qui a convoqué toute la bande, on a tout juste le temps de le cerner puisqu'il est le premier à y passer, mais question sympathie, c'est Jeff et plus encore : cynique, pervers, haïssable ! Carine et Philippe, un couple qui s'est formé à l'époque du club des neuf, semble toujours en accord : Carine la douce, la fragile et lui, Philippe, l'informaticien de génie, une tête ! Claudie la prof de gym, ancienne amante de Jeff devenue lesbienne, parle et agit comme l'homme qu'elle voudrait être. Bruno "son pull informe tombant sur son torse maigre comme une serpillière tout juste sortie du seau, ressemblait plus que jamais à un professeur Tournesol qui aurait gardé un peu de la jeunesse du Grand Duduche ". Et enfin Louis, une sorte de grosse larve pétée de trouille.

 

   Ces neuf individus se livrent sous nos yeux à un ballet monstrueux de mesquinerie, méchanceté, jalousie, envie, suspicion et autres traits de caractères tout aussi délicieux. Une fois entré dans l'engrenage, on n'en sort plus, le maître de ballet est un artiste. Quant au final, il m'a ravie, mais je n'en dirai pas plus... il vaut le coup, lisez-le !

 

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