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Dernières fleurs avant la fin du monde de Nicolas Cartelet

Dernières fleurs avant la fin du monde

Nicolas Cartelet

Le livre de poche

 

Albert Villeneuve se rend, comme tous les matins, d’Armandville aux plantations Est de la ceriseraie où,  lui et sa section, vont devoir polliniser les arbres à la main. Deux heures de marche aller et deux heures de marche retour avec pour toute paie quelques pommes de terre qu’il aura à peine le temps de faire bouillir pendant la demi-heure d’électricité quotidienne. Juste de quoi tenir jusqu’au lendemain soir. Il n’y a plus d’abeilles dans ce monde-là et tout est toujours gris, jusqu’au ciel.

Manon, sa femme, la jolie Manon, s’est peu à peu desséchée à force d’être enfermée dans son usine de médicaments. Maris et femmes n’ont pas le droit de travailler ensemble dans ce monde là. Ils se retrouvent tard le soir dans leur appartement sans grâce situé dans l’une des  gigantesques tours d’Armandville, pour manger leurs patates, essayer de faire l’amour parfois, et dormir.

Des idées de rébellion traversent la tête d’Albert, tenté de faire semblant de travailler et de semer le pollen au vent… jusqu’au jour où il est convoqué chez le Duc, propriétaire du domaine. Qu’a-t-il fait ? Comment ont-ils pu se glisser dans sa tête ?

Son « grand crime » est de savoir lire et écrire. Le Duc lui demande alors de transmettre son savoir à sa fille Apolline, l’héritière du domaine, un matin sur deux. Son nouveau statut de professeur transforme Albert qui en oublie ses velléités de révolte.

 

Ce court roman aux frontières de l’apocalypse trace un futur où la désespérance se frotte à l’injustice pour exalter d’ultimes révoltes avec, en contrepoint des éclosions de bonheur improbables, une floraison inattendue. 

Nicolas Cartelet est un jeune auteur qui promet beaucoup. Son écriture ruisselle, fluide et poétique : phrases courtes, mots justes, rien de superflu. S’y esquisse en filigrane un grand auteur en devenir. « l’or jaune semblait tiré d’un autre monde, un trésor ouvert sur la grisaille du nôtre. Nous y trempions le plumeau pendu à nos perches, il en ressortait jaune et poussiéreux. Puis nous colorions le champ. Notre tâche consistait à lever les bras, très haut, et caresser de nos perches les fleurs qui recouvraient les branches. Il ne fallait pas en oublier une seule ; nos gestes devaient être sûrs et fermes. Nous les caressions jusqu’à ce qu’elles scintillent de reflets dorés, du rose décoloré de leurs pétales, que nous voyions peu à peu s’ouvrir et vibrer sous le baiser des plumes, semblait alors jaillir une lumière nouvelle : nous rendions vie aux cerisiers. »

Son premier roman court  Petit Blanc, paru chez Le Peuple de Mü en 2017 avait déjà été remarqué. Le second, Dernières Fleurs avant la fin du monde, a été nommé au Grand Prix de l’Imaginaire. À suivre, assurément.CB

Chronique parue dans Gandahar 23 en avril 2020

 

 

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